Je salue les premiers états généraux de l’Europe qui se tiendront ce samedi 17 mars, à Lille. Cette rencontre a été organisée par Europanova, le Mouvement Européen France et Notre Europe. Parmi les participants, Martine Aubry, Elie Barnavi, Sarah Biasini, Jacques Barrot, Pervenche Berès, Bernard Brunhes, Jean-Michel Blier, Bruno Bonduelle, Cabu, Michel Delebarre, Jacques Delors, Bertrand Dufourcq, Cynthia Fleury, Jean-Baptiste de Foucauld, Sylvie Goulard, Marcel Grignard, Bruno Julliard, Guillaume Klossa, Zaki Laidi, Eneko Landaburu, Philippe Manière, Frédéric Martel, Jean-Philippe Moinet, Mario Monti, Tomaso Padoa-Schioppa, Michèle Pappalardo, Alain Piriou, Gaëtane Ricard-Nihoul.
J’ai bien lu : Pervenche Berès ! Pour qui n’a pas suivi l’histoire du référendum, cela pourrait manquer de sel. Je me permets donc de citer un extrait de mon livre Le Vertige social-nationaliste. La gauche du Non, pp.180-182 (l’extrait cité est en rouge). Si vous arrivez jusqu’au bout de ces deux pages et si vous êtes à Lille samedi, posez-donc la question à Mme Berès afin de savoir où elle en est aujourd’hui de ces étonnants revirements :
En octobre 2003, Pervenche Berès défend vigoureusement le projet de traité contre les coups que vient de lui asséner le président de la Fondation Copernic : « Pour Yves Salesse, le grand problème réside dans l’affirmation du ‘marché unique, où la concurrence est libre’. Cette phrase n’est pas scandaleuse en soi pour ceux qui ont rompu avec le dirigisme soviétique », déclare-elle, rétorquant que « la grande différence avec le traité de Nice, c’est donc que l’Union ne considèrera plus le marché comme une finalité, mais comme un outil au service du modèle social européen ». Multipliant les arguments en faveur du traité, elle assure qu’il « permettra de sortir de l’usine à gaz inventée à Nice. Le statu quo serait un blocage, car la majorité dans sa définition actuelle est bien plus difficile à réunir ». Pervenche Berès récuse fermement l’argument de l’irréversibilité, que Fabius utilisera systématiquement : « Il n’est pas juste de dire qu’en adoptant cette Constitution, nous serions pieds et mains liés pour les siècles des siècles, et que nous graverions dans le marbre l’orientation libérale de l’Europe ». Pour elle, les socialistes ne sauraient combattre un tel texte, sauf à prendre le risque d’être aspiré par la gauche radicale : « Je m’étonne qu’une minorité au sein du PS soit tentée de le suivre, et de prendre le risque de fabriquer la désinformation qui fait le lit de l’extrémisme. Le fond de commerce est simple, voire simpliste : il consiste à utiliser tous les poncifs de la démagogie gauchiste : tous les autres sont des sociaux-bourgeois, tous sont vendus au libéralisme sauvage, et bien sûr l’Europe veut faire la peau à notre protection sociale. Rien de neuf en somme, mais toujours cette tentation de maintenir la gauche dans le formol, de jouer sur sa division plutôt que sur son union, en prétendant le contraire […] J’appelle à rompre avec cette mode qui voudrait faire croire que la France, seule en Europe, seule dans le monde, peut maintenir la force de sa protection sociale en se repliant sur elle-même pour pratiquer une politique gauchiste aigre-douce».
Un mois plus tard, Pervenche Berès combat toujours avec le même acharnement. Dans un entretien avec le journal Libération, elle indique ressentir un grand malaise au sein du PS sur la question européenne. Evoquant Arnaud Montebourg et Henri Emmanuelli qui ont décidé de s’abstenir lors de la ratification de l’élargissement qui doit avoir lieu le lendemain, elle craint de mauvaises manœuvres : « Il est clair qu’il existe une tentation d’une partie des courants du PS d’instrumentaliser le débat européen dans le but de modifier les rapports de forces au sein du PS », ajoutant « on à l’impression qu’aujourd’hui, ils sont en train de pleurer non pas sur l’élargissement en tant que tel, bien que cette tentation existe, mais sur le fait qu’une grande Europe ne sera pas à l’image d’une France socialiste. Il est clair que le point d’équilibre d’une Europe à 25 ne sera pas le projet socialiste. Ce qui ne veut pas dire que nous n’ayons aucune influence ». Elle prend la défense du projet de traité avec force et vigueur : « J’en ai assez d’entendre parler du projet Giscard, ce qui sous-entend qu’il s’agit d’un texte de droite : il y avait 120 socialistes dans la Convention, dont moi-même, et nous avons obtenu l’inclusion de points essentiels, comme la reconnaissance de la force obligatoire de la Charte des droits fondamentaux, le droit de financer les services publics, l’absence de référence à Dieu ». Le lendemain, 131 députés socialistes ratifient l’élargissement, tandis que 15 choisissent l’abstention : Jacques Bascou, Jean-Pierre Blazy, Daniel Boisserie, Marcel Dehoux, Marc Dolez, Jean-Pierre Dufau, Henri Emmanuelli, Arnaud Montebourg, Christian Paul, Germinal Peiro, Geneviève Perrin-Gaillard, Henri Sicre, Pascal Terrasse, Michel Vergnier et Alain Vidalies. Cette fois, les fabiusiens ont voté « oui ». Le 10 décembre, lors de la ratification de l’élargissement par le Sénat, 83 sénateurs socialistes votent pour, dont Jean-Luc Mélenchon, 4 choisissent l’abstention, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Godefroy, André Lejeune et Gérard Roujas, tandis que Michel Charasse et Claude Saunier ne prennent pas part au vote. Pas un parlementaire socialiste ne vote contre.
Le combat de l’eurodéputée Pervenche Berès apparaît alors en pleine cohérence avec son action politique et sa contribution particulièrement active à la rédaction de la Charte européenne des droits fondamentaux autant que du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le 29 septembre 2004, elle annonce un changement brutal de position, s’engageant pleinement dans le camp du Non. La justification de ce revirement est obscure et témoigne de la difficulté de la mission qu’il lui est demandée d’accomplir : « Européenne convaincue, membre des conventions ayant rédigé le projet de traité constitutionnel et la Charte des droits fondamentaux, je n’aurais pas osé dire ‘non’ au projet de traité constitutionnel. Le choix politique de Laurent Fabius me permet de le faire. Pour la gauche, pour la France, pour l’Europe ». Pour un politique aguerri, la situation est limpide. Pour toute autre personne, elle est incompréhensible.
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