L’association Attac traverse une crise sérieuse. Le 17 et 18 juin, l’assemblée générale de la célèbre association a donné plus de visibilité à des travers restés jusque-là plus ou moins à l’abri des regards extérieurs : autoritarisme de la direction, personnalisation du pouvoir et… soupçons de manipulation des résultats ouvrant sur un grave contentieux interne, au terme d’un vote par correspondance qui n’a pas convaincu les adhérents (l’abstention a été de 78%). Cette affaire, aux rebondissements incertains, aura eu le mérite de mettre au jour un clivage opposant deux cultures politiques au sein de cette association : l’une est délibérative, l’autre est péremptoire ; l’une est inventive, l’autre est sclérosée ; l’une est en prise avec la société civile, l’autre est bureaucratique, étatiste et centralisatrice ; l’une est démocratique, l’autre est autoritaire ; l’une est horizontale, l’autre est verticale ; l’une est mondialiste, l’autre est ethnocentrée, voire nationaliste ; l’une est associative, l’autre est partisane, voire partitocratique. C’est cette seconde tendance, amenée par Jacques Nikonoff, qui a réussi à imposer son contrôle sur le mouvement Attac. Cette tendance suppose de conduire les militants, sans le leur dire, de l’association vers le parti politique, des combats transnationaux vers la compétition nationale, de l’entreprise intellectuelle et militante vers la machine à mobiliser les électeurs.
En 1913, l’Italien Roberto Michels publiait un grand livre de sociologie politique : Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques dans les démocraties. Il y montrait comment la logique de ces organisations collectives les amène toujours à recourir aux procédures disciplinaires, à construire une structure pyramidale produisant des élites et reproduisant ainsi un rapport gouvernants/gouvernés au sein même du parti : obéissance aux chefs, utilisation de la masse militante comme une force, comme un levier, comme un instrument, etc.. Roberto Michels a rédigé ce livre en observant le fonctionnement des premiers grands partis européens nés, à l’aube du XXe siècle, pour adapter les machines politiques aux contraintes du suffrage de masse (à cette époque principalement masculin). Il nommait cette mécanique « la loi d’airain de l’oligarchie ». Les altermondialistes ne parviendront pas à faire cohabiter ces deux cultures de l’action collective. Ils devront choisir. Si la formation d’un militantisme global peut être nécessaire, ce n’est certainement pas sous la forme d’une organisation collective autoritaire, dogmatique et partisane. Les altermondialistes devront se guérir d’Attac.
Je suis tout à fait d'accord. Il est malheureux que cela soit la "Première gauche" qui conserve le contrôle d'ATTAC alors que c'est précisément une association qui devrait être tenue par la "Deuxième gauche".
Les opppositions que vous énoncez sont particulièrement révélatrice de cette opposition dans le mouvement altermondialiste. Il semblerait que la "Deuxième gauche" altermondialiste, associative et démocratique, soit pourtant très minoritaire, c'est triste.
Rédigé par : Diego | 26 juillet 2006 à 18:06