Ni la France ni
les Pays-Bas n’organiseront un nouveau référendum sur le traité rectificatif en
discussion et destiné à remplacer la « Constitution européenne ». Les
deux pays qui avaient vu, en 2005, le TCE rejeté par une majorité de leurs citoyens,
ne prendront pas deux fois le risque démocratique. C’est une bonne nouvelle
pour l’Union, car elle augmente sensiblement les chances de parvenir à l’accord
institutionnel dont nous avons besoin pour accroître l’efficacité de la
décision collective. C’est en même temps une mauvaise nouvelle pour l’Union
car, une fois encore, elle donne le sentiment de craindre le débat. On
l’accusera de vouloir contourner l’épreuve démocratique. Ses adversaires,
mêlant antilibéraux internationalistes et nationalistes défenseurs du grand
marché, ne se priveront pas de revendiquer le titre avantageux de démocrate
authentique.
La procédure
référendaire présente au moins deux défauts. Elle favorise la démagogie, comme
on a pu le constater abondamment en 2005, et elle sert d’exutoire aux humeurs
nationales les plus contradictoires. Le deuxième défaut pourrait être atténué,
sinon supprimé, par l’organisation d’une consultation à l'échelle de l'Union
tout entière. C’est pourquoi je fais partie de celles et ceux qui demandent
l’organisation d’un référendum européen.
Bilan : nous nous acheminons vers une bonne décision pour l'Union
obtenue sans le consentement formel des Européens. L'Europe avance quand elle
pratique cette forme de despotisme éclairé à laquelle elle doit tant. Mais
après tout, lorsque l’Europe est menacée d’enlisement parce que 2 pays n’ont
pas voulu ratifié un texte que 18 pays ont accepté, cela s’apparente à la
tyrannie de la minorité. Alors, despotisme éclairé ou tyrannie de la
minorité ?
Il est choquant encore qu'aujourd'hui on puisse considérer que l'opposition d'un ou deux pays suffit à bloquer tout un processus alors qu'une très large majorité l'avait approuvé. On ne peut pas cependant assimiler au despotisme la démocratie parlementaire comme le font les partisans du référendum nationalo-national.
Rédigé par : valery | 22 septembre 2007 à 22:17
En effet. Pendant la campagne référendaire française, j'ai relevé de nombreuses remises en cause de la ratification parlementaire. Le plus étonnant était que la critique par les adversaires du TCE visait non seulement les ratifications parlementaires, jugées scandaleuses, mais également les référendums espagnol et luxembourgeois, dont l'illégitimité était prouvée par le résultat positif. On a voté "oui" en Espagne parce que l'Union avait financé les autoroutes ! Cet argument des partis du Non fut répété en boucle ; le "oui" luxembourgeois était expliqué, si l'on peut dire, selon la même science : un pays de banquiers peuplé d'eurocrates, etc. Ce n'était donc pas simplement la ratification parlementaire qui subissait les critiques des partis du Non, mais la ratification, qu'elle soit populaire ou parlementaire. Seul le "non" avait valeur démocratique. POur la Gauche du Non, cela tient à cette éternelle pensée qui considère que rien n'est véritablement "démocratique" si ce n'est pas révolutionnaire. Or, dans ce cas, le Non était évidemment plus protestataire que le "oui". On ne peut cependant oublier que les partis du Non (LO, LCR, PCF, FN et MNR) ne sont pas connus pour leur attachement au système représentatif.
Rédigé par : Reynié | 22 septembre 2007 à 22:52
Ce qui est fascinant avec cette idée de référendum au niveau européen c'est que vous commettez tranquillement un hold-up sur la souveraineté nationale alors qu'il s'agit du sujet même de ce référendum. Comme si, déjà, le principe de la souveraineté politique en Europe résidait non pas dans les états de l'Union mais dans l'Union elle-même.
Mais vous avez raison d'essayer : plus c'est gros, plus ça passe.
Rédigé par : edgar | 24 septembre 2007 à 09:47
Vous parlez de souveraineté "nationale", mais il me semble que l'on peut défendre la "souveraineté populaire" sans avoir le sentiment de friser le scandale.
Rédigé par : Reynié | 24 septembre 2007 à 14:22
Vous jouez avec les mots. Vous accordez ainsi au peuple européen une existence légale qu'il n'a pas encore, en l'ôtant au peuple français - qui, il est vrai, n'en dispose plus guère.
Rédigé par : edgar | 24 septembre 2007 à 15:29
Je ne voulais pas donner le sentiment de jouer sur les mots. Je vois au contraire dans cette distinction une véritable question. N'avons nous pas quelque chose à défendre et à promouvoir qui déborde le fait d'avoir la nationalité française ?
Rédigé par : Reynié | 24 septembre 2007 à 17:09
Voulez-vous suggérer par là que l'appartenance de chacun des français à un peuple européen serait plus forte que sa citoyenneté nationale.
Il me semble en effet que c'est l'une des clés du problème. Si vous demandez à de fervents européens, ils s'accorderont évidemment pour dire qu'ils sont européens d'abord, français ensuite. Pour ma part je me sens citoyen du monde et français, entre les deux je ne vois rien qu'une organisation régionale mal conçue et à la mission mal définie, qui tâche de survivre à sa conception subreptice - via la fameuse politique des petits pas, que vous rebaptisez fort bien despotisme éclairé.
Rédigé par : edgar | 25 septembre 2007 à 15:07
Ce n'est pas obligatoirement exclusif. Il est possible de combiner ces attachements, un peu comme les "matriochkas" russes. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans les faits, si l'on en croit les études menées à ce sujet. Sur un autre plan, on peut aussi penser que la possibilité donnée à une communauté de peser sur son destin, c'est-à-dire d'accéder à une liberté dans l'histoire, dépend aussi de sa capacité à imaginer les formes d'organisation qui lui permettront de mobiliser la quantité de force nécessaire pour exister encore. Lorsque l'on observe le mouvement de "globalisation", on peut avoir le sentiment que l'affirmation d'une fierté souverainiste, qui nous est si familière, n'est pas une garantie suffisante, de même que le récit d'une épopée peut nous réchauffer le coeur sans résoudre aucun des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Finalement, la fierté souverainiste est l'expression bien compréhensible d'une nostalgie, celle d'un temps où nous étions assurés de pouvoir orienter notre destin et même de déterminer celui des autres. Ce qui nous inquiéte aujourd'hui, c'est de comprendre que ce sont les autres qui, comme jamais peut-être depuis que nous avons une histoire nationale, sont en mesure d'écrire notre avenir. L'idée européenne réaliste consiste à penser que seule l'Union pourra apporter aux Etats du Vieux continent ce surcroît de puissance et d'efficacité sans lequel ils seront balayés. On pourrait imaginer une fiction, à la manière d'Anatole France, où l'on verrait un voyageur traverserant l'ancienne Europe, dormant au pied de ruines qui sont aujourd'hui ces lieux que nous admirons le plus.
Rédigé par : Reynié | 25 septembre 2007 à 22:58
Je note avec intérêt que le romantisme, qui aime tant la proximité des ruines, semble motiver votre position avant toute chose. Moi qui croyais que la raison était du côté de l'Europe, je me demande maintenant si l'on ne peut pas voir là à l'oeuvre de plus sombres passions.
Expliquez donc au Brésil, au Canada, à l'Australie, à la Corée du Sud, qu'ils doivent renoncer à leur système politique au profit d'une administration baroque et mal contrôlée parce qu'ils sont définitivement has been.
Quelle frilosité de la part des européens d'aller imaginer, alors qu'ils sont tous parmi les plus grandes puissances économiques de la planète, que chacun d'entre eux ne pèse rien !
Et l'euro, qui était censé être le plus magnifique symbole du fait qu'unis-nous-sommes-plus-forts, ne nous sert visiblement à rien dans la régulation des parités mondiales.
Comment dire autrement que sans une volonté commune - qui n'existe pas, faute de réalité d'une opinion publique européenne -, nous aurons beau nous parer de tous les atours de l'unité, celle-ci ne deviendra pas pour autant réelle.
Les allemands sont ultrasensibles à l'inflation, pas les français. Ce simple fait suffit à condamner l'euro comme instrument politique de régulation des parités : sa gestion est tout entière dévouée à un seul objectif.
Rédigé par : edgar | 26 septembre 2007 à 10:12
Notre impuissance relative est inscrite dans notre démographie. Un continent où l'on enregistre un taux moyen de fécondité de 1,3 enfant par femme en âge de féconder n'a pas un avenir assuré, et d'autant moins qu'il aurait la mauvaise idée de s'abandonner à l'ivresse de la grandeur nationale. C'est ça le romantisme et ce sont les souverainistes que j'évoquais. En ce qui concerne l'euro, ce n'est certainement pas simple -une monnaie unique par le libre consentement des nations me semble sans précédent dans l'histoire monétaire-, mais la fragilité de votre charge tient au fait qu'il est difficile d'imaginer les avantages que nous tirerions aujourd'hui d'avoir conservé le franc.
Rédigé par : Reynié | 26 septembre 2007 à 14:18
Peut-être faut-il demander aux britanniques quels sont les avantages de ne pas entrer dans l'euro ?
Et le réal brésilien, il vous inquiète aussi ?
Bref, il est assez triste de croire que la cinquième puissance économique mondiale ne serait pas assez solide pour avoir sa propre monnaie.
Rédigé par : edgar | 26 septembre 2007 à 15:38
Je ne suis pas farouche partisan du référendum européen. Ce qui fait que le procédé référendaire est inadéquat pour un texte de la nature d'un traité international complexe et volumineux demeure que l'on se place dans le cadre ancien statonationaliste ou dans un cadre européen.
En revanche seul le cadre européen est véritablement légitime pour une consultation référendaire qui concerne le sort de l'Union. Contrairement à ce que sous-entendent les nationalistes il ne s'agit certainement pas d'une consultation relative à la souveraineté national, si jamais l'on estime encore que cette nation est pertinente - notamment puisqu'un pays peut choisir à tout moment de se retirer de l'Union. On mène en commun des politiques au niveau européen car ce niveau est plus adéquat - mais si l'on estime que les choix qui y sont fait sont abusifs et dépassent le cadre convenu dans le pacte initial, on peut reprendre ses billes et tenter l'aventure du retour au statonationalisme.
En outre, en se préoccupant d'un équilibre entre petits et grands Etats (en terme de population), une double majorité comme elle est pratiquée en Suisse est envisageable : une majorité des voix des citoyens réunie dans une majorité des Etats. Ce type de procédure fait justement la différence entre un système de type fédéral et le jacobinisme qui privilégie la loi de la majorité en oubliant le principe du respect de la minorité.
L'idée qu'un seul pays peut tout arrêter ne fait que bloquer les progrès de la construction européenne et la définition de politiques appropriées. L'Europe demeure alors passive là où justement on critique sa passivité. En prônant le maintien de moeurs politiques archaïques - car fondées sur la diplomatie interétatique là où l'Europe a besoin de démocratie et d'efficacité - les nationalistes savent très bien ce qu'ils font puisqu'ils empêchent l'Europe d'agir pour mieux ensuite critiquer son inaction.
Cette perversion de la pensée me semble due d'une part à un passéisme intellectuel farouche renforcé par les modalités de la formation de nos "élites" politiques qui n'a intégré que depuis peu la dimension européenne et d'autre part à une simple logique de pouvoir lequel semble plus accessible dans un cadre national, non seulement parce que nos institutions le concentrent mais aussi car l'action politique au niveau européen nécessite des compétences spécifiques que nos hommes politiques n'ont pas, à la différence peut être de ceux issus de pays de tradition parlementaire ou décentralisée.
Fort heureusement la raison prévaut le plus souvent et le choix de l'Europe demeure une constante même si celui ci n'est pas toujours assumé et que l'on en tire pas les nécessaires conséquences.
Rédigé par : valery | 30 septembre 2007 à 08:47
Nous vivons encore sur le principe juridique de souveraineté nationale. Il n'appartient à personne d'en changer sans les procédures formelles requises à cet effet. Sarko devra donc bien passer au minimum par une approbation du Congrès.
Ensuite, l'Europe entend-elle s'asseoir sur le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Ou bien entend-elle considérer qu'il y un peuple européen plus "réel" que le peuple français ?
Rien de cela n'est bien sérieux, même si ces histoires de référendum européen font très chic.
Rédigé par : edgar | 30 septembre 2007 à 18:14
Votre manière d'ironiser sur l'idée d'un référendum européen ("très chic") n'est pas convainvante. On ne saurait distinguer d'un côté les défenseurs de l'Union, membres d'une élite mondaine mue par l'intérêt et, d'un autre côté, les euro-sceptiques et souverainistes, qui seraient l'expression pure du peuple authentique des vertueux. Dans le cas d'un tel schématisme, j'imagine que vous ne seriez pas assez immodeste pour vous ranger d'autorité dans le camp des "vertueux". On pourrait aussi vous rétorquer que votre défense du formalisme juridique national ne semble pas s'appliquer à l'euro, que les Français ont approuvé par référendum lors de la ratification du traité de Maastricht.
Rédigé par : Reynié | 30 septembre 2007 à 19:49
Un raisonnement schématique ? Face à l'inventeur du socialisme national, je n'oserais point.
Non, je vous rassure, je sais qu'il y a de tout, dans le camp du Oui, de Madelin à Dany le Rouge en passant par Villepin et Védrine ; comme dans le camp du Non.
Il se trouve juste que l'argument spécifique du référendum européen est, lui, particulièrement We are the world et United Colors of Benetton : faisant primer le chic de l'image sur la réalité du "formalisme juridique".
Je n'ai jamais apprécié, en droit constit, les professeurs qui en appelaient à "l'esprit" des institutions.
Comme Kelsen - du moins ce que j'ai retiré de ma lecture de Kelsen pour les Nuls -, j'ai tendance à considérer que le Droit est formalisme.
Mais on peut tout à fait penser le contraire et s'asseoir dessus.
Reste à être certain qu'on est assis sur quelque chose de véritablement plus solide...
Rédigé par : edgar | 30 septembre 2007 à 23:16
même si je trouve l'épilogue sur la constitution un peu long, j'aimerais ajouter qu'on a l'impression d'un malentendu.
la règle de prise de décision à la majorité qui était viable/plausible à 5, 6..voire 15, devenait impossible à gérer au-delà.
comment se fait-il qu'à ce moment là, ou après, personne n'ait proposé de la revoir ?
où en sommes-nous en ce domaine aujourd'hui ?
ou comment fonctionner démocratiquement..à 27 et au-delà ?
Rédigé par : estar | 03 octobre 2007 à 19:41
@estar : vous parlez de l'unanimité j'imagine ?
Rédigé par : valery | 05 octobre 2007 à 07:25
@edgar : manifestement vous n'avez pas lu le livre de M. Reynié ou vous faites - comme souvent - oeuvre de caricature grossière.
Vous avez raison de souligner que le camp du Oui au traité constitutionnel est divers : on y trouvait en effet autant des nationalistes comme Védrine ou Fillon que des partisans d'uen Europe démocratique. Néanmoins tous reconnaissent des mérites à l'idée européenne et à l'acquis communautaires. Certain pour s'en contenter, d'autres pour souhaiter l'améliorer. Cette approche les différencient de ceux qui comme vous prennent les moindre prétextes pour imaginer une théorie du complot, une atteinte aux principes fondamentaux de tout ce qui est beau et bon. Hélas l'aspect systématique et outrancière de votre critique lui fait perdre toute crédibilité.
Rédigé par : valery | 05 octobre 2007 à 07:30
Merci Valéry pour ta sollicitude envers ma crédibilité.
Pour la lecture du "Vertige...", tout est dans ma note, assez détaillée, et sans doute moins caricaturale que la manoeuvre qui consistait à assimiler les nonistes à des nazis.
Rédigé par : edgar | 05 octobre 2007 à 16:11
"la règle de prise de décision à la majorité qui était viable/plausible à 5, 6..voire 15, devenait impossible à gérer au-delà.
comment se fait-il qu'à ce moment là, ou après, personne n'ait proposé de la revoir ?
où en sommes-nous en ce domaine aujourd'hui ?
ou comment fonctionner démocratiquement..à 27 et au-delà ?"
@estar : vous parlez de l'unanimité j'imagine ?
oui..la majorité a trahi ma pensée !
ma question reste posée.
Rédigé par : estar | 07 octobre 2007 à 08:20