La réélection de Jacques Nikonoff à la présidence de l’association Attac lors de l’assemblée générale des 17 et 18 juin 2006 avait été contestée par une partie du mouvement. J’avais évoqué ici ce grave contentieux électoral dans ma note consacrée à la crise oligarchique du mouvement altermondialiste. Certains militants soupçonnaient l’existence de fraudes. Quel sel !, si l’on considère que cette association ne manque jamais une occasion de distribuer gratuitement des leçons de démocratie locale, sociale, directe, nationale, européenne et planétaire. Voilà le premier temps. Deuxième temps : amenée par Susan George, une partie de l’association réclame la vérification des résultats électoraux. L’initiative déplaît à Nikonoff qui doit cependant l’accepter. Troisième temps : l’expertise est achevée. Il s’agit en fait d’une pluralité d’études réalisées soit en interne par des membres de l’association, soit par des personnalités extérieures. Toutes concluent à l’existence d’anomalies qui restent inexplicables si l’on ne veut pas retenir la thèse d’une manipulation. Quatrième temps, voyez Le Monde daté du 25 août, Nikonoff tente de s’opposer à la publication de ces études. Pour lui, cette publication est une « opération de déstabilisation » (retrouver un tel argument porté avec un tel culot ne nous rajeunit pas !). Malgré tout, voyez Libération du 25 août, le Conseil d’administration ne l’a pas suivi sur ce point et l’on peut lire ces expertises sur le site de l’association.
Si la manipulation est acquise, on ne sait pas quel est le cerveau qui agite cette main. Trois possibilités au moins : première possibilité, la manipulation a été orchestrée par les adversaires de Nikonoff mais ils ont truqué les résultats dans le mauvais sens, offrant bêtement la victoire à leur concurrent ; deuxième possibilité, Nikonoff a des amis qui ont bourré les urnes pour retourner à son profit un scrutin qu’ils soupçonnaient ne lui être pas favorable. L’opération a donné les résultats attendus, c’est le cas de le dire, mais elle a été conduite avec une trop grande maladresse pour rester inaperçue (acte manqué sympathique) ; troisième possibilité, une force extérieure et supérieure a soudainement réorienté le sens du vote. On évoque tantôt la Divine providence, tantôt la main invisible, mais que des gens bien ! Nous verrons, peut-être, tous les détails de cette affaire dans Le Monde diplomatique du mois de septembre. Il est important de retenir que ce sont des militants de l’association qui ont contesté le scrutin, mis au jour les manipulations et assuré la publication des expertises sur leur site.
Je vous soupçonne de vous régaler...
à vrai dire un peu moi aussi, parce que je trouve un chouia fatigante l'expertise du bon et du juste de cette association (qui n'est pas un parti politique - en voilà une bonne nouvelle, non ?)
Rédigé par : autourdesmatins | 25 août 2006 à 15:53
Des brebis galeuses il y en a et il y en aura toujours partout.
Et la théorie du diviser pour mieux règner est toujours la meilleue dans tous les milieux aujourd'hui et particulièrement ceux qui ont trait au pouvoir.
Rédigé par : Hello6 | 25 août 2006 à 17:16
Cher autourdesmatins, heureux d'avoir de vos nouvelles ! Votre soupçon m'amuse parce que je ne peux vous contredire. En même temps, notez que j'insiste sur l'existence d'une opposition interne peut-être plus attachée au respect des règles démocratiques que le président sortant-réélu et de son entourage. L'intension altermondialiste me paraît plus que saine : éminemment nécessaire. Mais à ce jour, qu'avons-nous ? un mouvement qui parvient à défaire sans jamais réussir à faire. En France, ce mouvement prend la forme d'une gauche supérieure, péremptoire, minoritaire et méprisante, et peut-être même méprisante parce que minoritaire, la gauche pure, comme il y avait le "pouvoir pur" chez Jouvenel. On ne s'étonnera pas de voir que, pour Attac, la droite est toujours à la fois réactionnaire, ultra-libérale et vendue aux américains. Soit. Mais la gauche de gouvernement n'est pas mieux traitée, précisément parce qu'elle est... de "gouvernement", donc réformiste. Attac, c'est une gauche pure qui ne veut pas de la droite ni de la gauche dès lors qu'elles sont "de gouvernement" mais qui s'excite au motif que rien n'est fait ! Au plan européen, c'est la capacité de faire échouer un traité constitutionnel en imaginant -c'est le cas de le dire- l'élection d'une constituante au niveau de l'Union. Autrement dit, après moi le déluge. Au plan mondial enfin, c'est l'exigence d'une gouvernance planétaire combinée avec une attaque sans mesure de tout ce qui ressemble à un embryon de régulation transnationale : sommets et institutions divers et variés.
Rédigé par : Reynié | 25 août 2006 à 19:46
C'est un peu court... le problème concerne le président sortant-réélu et son entourage ; le sujet du contentieux n'est rien d'autre qu'un soupçon de manipulation des élections internes. Dans un régime politique, dans une association comme dans un parti politique, l'honnêteté d'un scrutin est un bon indicateur de la valeur que l'on attribue à la décision des électeurs ou des adhérents. Ceux qui militent parce qu'ils pensent que "le monde n'est pas une marchandise" ont bien le droit de connaître la valeur que cette association accorde à leur décision. Le système dont ils dénoncent les dysfonctionnement avec virulence -grosso modo la démocratie représentative-n'a pourtant pas la possibilité de traiter avec une telle désinvolture -la marque du mépris- le bulletin qu'ils déposent dans l'urne à l'occasion d'une élection locale, régionale, nationale ou européenne. Si le monde n'est pas une marchandise, que vaut un miltant d'Attac pour sa direction actuelle ? That's the question.
Rédigé par : Reynié | 25 août 2006 à 20:14
Les élections d'Attac ont réussi à voler un peu la vedette à Mme Royal. Il fallait au moins ça pour détourner l'attention mono-maniaque des médias.
Concrètemet, est-ce que cette association "apolitique" (mais en tous les cas, ce revendiquant a-partisane il me semble ?) va continuer à faire des meetings communs avec la LCR qui s'était abstenu sur le vote sur la Taxe Tobbin au Parlement européen ?
:pensif:
Rédigé par : Fabien | 26 août 2006 à 14:46
Il est vrai que l'apolitisme d'Attac peut faire sourire. En revanche, ce ne sont pas les élus de la LCR (qui ont voté pour)mais ceux de LO qui se sont abstenus au Parlement européen, lors de la proposition d'une taxation des transactions internationales.
Rédigé par : Reynié | 26 août 2006 à 15:51
Non, l'eurodéputé présent LCR (Alain Krivine) n'a pas voté pour, il s'est abstenu. Les 3 eurodéputées LO ont voté contre. Dans les deux cas, le rôle de LO/LCR a été déterminant pour faire échouer l'initiative du parlement européen.
Source :
http://www.france.attac.org/article.php3?id_article=612
Je suis également surpris de vous entendre invoquer à nouveau l'idée d'une constituante. Raoul Marc Jennar qui est leur gourou pour les questions européennes a lâché le masque sur cette promesse :
http://www.humanite.fr/journal/2006-07-13/2006-07-13-833524
http://lipietz.net/breve.php3?id_breve=162 (analyse-débat chez Alain Lipietz)
Rédigé par : jmfayard | 26 août 2006 à 22:20
Je regrette de devoir délivrer l'amorce d'analyse qui suit,mais l'essentiel me semble avoir été dit dans les commentaires précédents et l'article:qui n'avance pas recule...
Dans toute association politique,il me semble-sauf à Lutte Ouvrière-que des crises internes surviennent immanquablement dés lors que les percées ne sont plus au rendez-vous.
C'est le cas d'ATTAC qui a progressé(nombre de militants,propositions,originalité du militantisme,mixité des adhérents...)de 1997 à 2002.
Puis le mouvement altermondialiste est entré,depuis 2002 donc,dans une crise d'identité qui ne signifie une moindre "adhésion",dans la population,aux thèses "alter",mais une dilution et une crise,stratégique(Qu'est ce qu'on fait?)et théorique(néomarxisme?républicanisme?anti-européisme...):ATTAC n'est plus lisible(parti?association?) et aussi attractif,sans toutefois s'effondrer...Ce qui devait survenir dans la phase de pérénnisation est survenu:une bureaucratisation,qui a fait naître en son sein de grosses impuretés,à mon avis incurable:logiques de pouvoir,querelles intestines de plus en plus baroque(cf aussi les Verts,dans une moindre mesure,depuis 2002)et perte de sérenité des dirigeants...Je pense qu'il y a d'autres facteurs,comme la crise théorique d'altermondialistes qui ont trop "hésité" entre des positionnements d'Extre-gauche et d'autres positionnements,plus compréhensif visèà-vis de la gauche de gouvernement.N'y-a t'il pas des faceurs financiers,de trésorerue...?
Rédigé par : Julien Tolédano | 27 août 2006 à 02:50
Merci à jmfayard pour les précisions sur le comportement de la LCR lors de ce débat au sein du Parlement européen. Merci encore pour les deux références électroniques. En ce qui concerne la promesse de répondre à l'échec souhaité du TCE par l'élection d'une assemblée européenne constituante, quelques remarques : 1)en effet, comme jmfayard nous l'indique, Raoul-Marc Jennar a désormais changé d'opinion sur ce point. Pour autant, je n'ai vu aucun parti ni aucune association formant la gauche du Non au TCE renoncer officiellement au thème de l'assemblée européenne constituante (pour ceux et celles qui l'avaient défendu). Raoul-Marc Jennar n'y croit plus, dont acte (moi, je n'y ai jamais cru), mais la gauche du Non, à l'exception des souverainistes, continue officiellement de promettre cette méthode alternative ; 2) la manière dont Jennar rend compte de son revirement est proprement saisissante. Je le cite dans son article de L'Humanité :
"Dans les semaines qui ont suivi le 29 mai 2005, j’ai été de ceux qui pensaient qu’une alternative au traité constitutionnel européen rejeté par les peuples de France et des Pays-Bas se trouvait dans un traité conférant les pouvoirs constituants au Parlement européen à élire en 2009. Cette formule avait au moins le mérite de respecter les principes démocratiques qui avaient été ignorés par les gouvernements ainsi que par la convention Giscard. Elle est aujourd’hui proposée par divers groupes et personnalités. Depuis lors, je travaille au Parlement européen et je découvre une réalité que je ne percevais pas avec la même intensité lorsque je me contentais d’y suivre certains travaux".
Etonnant. Non seulement il était possible de mieux connaître cette réalité avant d'en faire l'expérience mais, plus encore, il n'était pas nécessaire d'en faire l'expérience... Faut-il rappeler comment les partisans du Oui ont été reçus lorsqu'ils défendaient que l'élection d'une assemblée européenne constituante était soit une proposition naïve (qui resterait sans lendemain), soit une manoeuvre cynique (visant à enterrer l'ambition constitutionnelle européenne) ? ; soyez justes : rendez ce point à votre adversaire d'hier! 3) N'est-ce pas un peu court de glisser aussi rapidement ? Après avoir réussi à ruiner une première construction en promettant la méthode pour reconstruire autrement, peut-on annoncer aussi tranquillement que, finalement, en raison d'études (hélas ! conduites après le scrutin), cette méthode alternative a dû être abandonnée ? 4) Dans son papier, Jennar, au fond, est incertain en ce qui concerne l'état des forces politiques en Europe. Ce qu'il découvre, selon ses dires, c'est un Parlement européen largement favorable au TCE. S'il juge qu'il y a un tel décalage entre le soutien des eurodéputés au TCE et l'opinion des Européens, pourquoi, en effet, ne pas rester fidèle à la proposition initiale et trancher cette question par des élections européennes désignant une assemblée constituante ? Abandonner cette position c'est soit douter de l'état de l'opinion des Européens à l'égard du TCE, soit craindre de voir sortir des urnes une assemblée constituante qui serait... a) tout aussi favorable à ce traité ; b) hostile à ce traité, mais incapable de s'accorder sur un nouveau texte ; c) hostile à ce traité mais capable d'en produire un nouveau qui marquerait une régression par rapport au TCE initial, du point de vue des critères de la gauche du Non ; 5) enfin, la conclusion du texte de Jennar est désolante puisqu'il trouve plus raisonnable de commencer par un travail pédagogique au sein de l'Union... Si tel devait être le résultat de la gauche du Non, sa contribution à l'histoire de l'Europe ne serait pas supérieure à celle que la LCR ou LO ont pu apporter à la vie du Parlement européen. Une question pour conclure : après l'échec du TCE, si la gauche du Non renonce maintenant à l'élection d'une assemblée européenne constituante, quelle méthode préconise-t-elle pour faire rédiger et adopter un nouveau texte par les 27 pays membres ?
Rédigé par : Reynié | 27 août 2006 à 16:45
De rien.
J'en profite pour vous remercier de votre libre, hélas souvent pertinent à mon avis.[1]
En ce qui concerne Jennar, je crains que sa position annonce celle des communistes (il est conseiller de la GUE au parlement) et d'une partie des altermondialistes. On verra bien, mais je constate que quand un an après, l'étroitement nationale "Charte pour une Alternative au Libéralisme" aborde le sujet de l'Europe, on a l'impression que ces grands stratèges n'ont pas beaucoup avancé depuis un an :
"Les traités actuels qui régissent l’Union seront abrogés et remplacés par de nouveaux textes fondateurs. Un processus démocratique et populaire pourvoira à ce remplacement. Sa méthode doit être débattue."
http://www.la-gauche.org/article.php3?id_article=420
Notez aussi que le processus doit être démocratique, mais que le résultat de l'élaboration démocratique, lui est déjà connu (paragraphes suivants sur les "orientations claires" à donner aux "nouveaux traités fondateurs").
Drôle de conception de la démocratie tout de même. Une démocratie sous condition en quelque sorte. ça rejoint l'impression que j'avais eu de la campagne et que confirme votre livre selon lequel un vote démocratique a pour eux beaucoup plus de valeur s'il va dans le bon sens (référenda français et néerlandais) que dans le mauvais (référenda espagnols et luxembourgeois, référenda internes au PS et aux verts).
[1] Mon unique réserve est que le titre et le début de votre pamphlet très documenté laissent penser que vous taperez de manière indifférenciée sur toute la "gauche du NON" (qui est plurielle).
Ceci prête le flanc à la critique selon laquelle la "pensée unique" voudrait que tout europhile s'abstienne de souligner des défauts aux modalités de la construction européenne sous peine de mettre toute celle-ci en danger. Cet argument est aussi usé jusqu'à la corde que sa contrepartie logique, la figure de style qui veut que chaque eurosceptique commence par dire son attachement à l'Europe avant d'employer pour la dénigrer les pires rumeurs (avortement, laicité, divorce, les SIEG c'est pas les services publics, Bolkestein nous est apportée par la constitution, on va nous proposer la rentrée de l'Irak dans l'UE, ...).
Tous ne sont pas à mettre dans ce même panier. Par exemple, Alain Lipietz s'est opposée de manière très critique à Maastricht (et à l'Acte Unique et au traité de Nice) mais
- il a bien pris la peine à l'époque d'expliquer que ses motivations étaient l'inverse de celles de Le Pen ( http://lipietz.net/article.php3?id_article=1443 ), alors qu'en 2005, les motivations de la fraction "sociale-nationaliste" des nonnistes n'étaient pas très différentes de celle d'un Philippe de Villiers, même s'ils ne supportent pas qu'on le leur fasse remarquer
- sa sincérité européenne est avalisée par son OUI ultérieur au TCE
Je suis comme vous convaincu que le NON était formé d'une large majorité eurosceptique, anticapitaliste voire "sociale-nationaliste", mais il y avait aussi des europhiles sincères, minoritaires à l'intérieur du NON français certes et encore plus en Europe, mais qui ont fait la différence entre un NON à 48% et un NON à 55%.
Alors, il faut trier du le bon grain du mauvais. C'est compliqué, parce que la question posée était compliquée, et parce qu'à gauche le souverainisme était souvent pas très assumé et se dissimulait derrière un maximalisme fédéraliste hors de propos. C'est là que votre livre est intéressant. Certaines citations (Fabius, Mélenchon, Emmanuelli) ne trompent pas. Une autre méthode très efficace que j'ai trouvé pour procéder à cette nécessaire clarification est de poser cette question simple :
êtes vous oui ou non favorable à ce que les prochains traités/modifications constitutionelles soient ratifiés par un unique réfendum pan-européen tel que décrit là[1] ou là[2] ?
[1] http://lipietz.net/spip.php?article1311
[2] http://www.taurillon.org/article.php3?id_article=796
Ceux qui envisagent la démocratie à l'échelle européenne approuvent. Ils se rendent comptent que si les français ont voté NON à un texte "ultra-libéral" et "contre la laicité", les anglais s'apprêtaient à les imiter pour punir un texte anti-libéral, et les polonais pour l'athéisme forcéné qui se manifeste par l'absence de Dieu dans la constitution.
Ceux qui magnifient la capacité de la France à faire échouer le TCE à elle toute seule sont contre, surtout si on leur fait remarquer que sur les 4 référendums (Espagne, France, Pays-Bas, Luxembourg) 26 662 958 (52,30%) ont voté OUI contre seulement 22 667 823 (44,46%) NON et 1 644 290 (3,22%) abstentions.
Rédigé par : jmfayard | 27 août 2006 à 21:43
Merci M. Fayard pour avoir repris un article du Taurillon !
Pour la constituante, les Fédéralistes ont toujours été favorables à cette manière de procéder, mais concrètement, il nous faut bien avancer.
Pour la critique de l'extrême gauche, vous retrouverez ma modeste contribution sur les dernières propositions de la Fondation copernick qui avait drivé tous les arguments de la gauche du non sur le Taurillon.
Voici le lien en deux parties :
http://www.taurillon.org/
article.php3?id_article=920
Les propositions de la Fondation Copernic sont irréalisables... et dénuer de toute conscience de ce qu'est l'Europe réellement, le tout viscéralement planté dans une vision franco française.
Rédigé par : Fabien | 29 août 2006 à 00:23
M. Reynié,
Qu'avez-vous pensé de l'article paru dans Le Monde sur les propos tenus par Catherine Colonna ?
J'ai mis le lien vers l'article sur mon blog :
http://fabiencazenave.blogspirit.com/
Rédigé par : Fabien | 31 août 2006 à 07:59