La Commission des Affaires étrangères du Parlement vient d’adopter une série d’amendements appelant « la Turquie à reconnaître le génocide arménien en tant que préalable à l’adhésion » (vote obtenu difficilement et dans la nuit de lundi à mardi, les 4 et 5 septembre. Cf. l’article d’Alexandrine Bouilhet dans Le Figaro du 6 septembre). Ce vote est ou bien une décision absurde ou bien une manœuvre cynique. Je suis favorable à la reconnaissance du génocide des Arméniens perpétré, il faut le rappeler, par l’empire ottoman finissant (la république actuelle a été instaurée le 29 octobre 1923). Jamais la reconnaissance n’avait été présentée aux Turcs comme une condition préalable à l’adhésion de leur pays. Des législateurs jugent-ils acceptable de changer ainsi les règles d’une négociation pendant le déroulement de la négociation ? N’est-on pas devant un cas de norme rétroactive ? On remarquera au passage que la Turquie est le premier et le seul pays candidat à subir un tel traitement. Imaginons que la reconnaissance du génocide devienne une obligation faite par l’Union à l’Etat Turc, que vaudrait alors cette reconnaissance si les Turcs devaient y arriver ainsi ? Rien. Elle ne vaudrait rien. Elle ne serait qu’une froide et plate mise en conformité avec les normes de l’Union. Voilà bien la meilleure façon de rendre impossible avant longtemps l’avènement d’un débat sincère. Les eurodéputés mesurent-ils qu’agissant ainsi, en proposant de commander le travail de la mémoire par une loi ou un décret, ils avancent sur le chemin de l’histoire officielle, celle-là même qu’ils prétendent combattre ? Pourquoi interférer aussi brutalement dans une réflexion qui n’a de sens qu’à la condition de venir de la société civile turque ? Depuis quelle supériorité morale ces eurodéputés justifient-ils cette décision ? Ont-ils attendu la reconnaissance du génocide avant de passer leurs vacances à Antalaya ? Peuvent-ils croire que la mémoire est en ordre parmi et entre les pays membres de l’Union ? Maladroit, imbécile ou malfaisant, les trois probablement, ce geste peut réussir l’exploit de contribuer à la stigmatisation publique de la Turquie, de décourager les Turcs les mieux disposés sur ce sujet, de dissuader les autres d’avancer, de nourrir la sensibilité nationaliste comme les antagonismes religieux et de placer les Arméniens de Turquie (50 000) dans une situation particulièrement difficile, et qui donne une idée de l’intérêt que ces eurodéputés leur portent.
Vous avez bien raison !
De quel droit ces députés se mêlent-ils des affaires européennes ?
Quels sont les risques encourus par les Arméniens en Turquie, que vous évoquez ? Vous voulez faire entrer dans l'UE un pays où la sécurité de certaines communautés est soumise à des variations saisonnières ?
Rédigé par : edgar | 06 septembre 2006 à 11:52
Dans quelle situation compliquée l'UE s'est-elle fourvoyée! J'ai l'impression que l'UE fait un pas en avant vers la Turquie puis deux en arrière vers le peuple européen qui ne veut pas entendre parler de la Turquie.
Il me semble que le PE avait déjà il y a plus de 10 ans posé la reconnaissance du génocide arménien comme préalable à toute adhésion, avant de se taire face au lobbying...
L'UE ne sait pas ce qu'elle est, ce qu'elle veut et ce qu'elle veut faire avec la Turquie qu'elle hésite visiblement à considérer comme un pays européen comme tel. D'où des mesures inédites et sans queue ni tête! Drôle de politique étrangère!
Rédigé par : Cédric | 06 septembre 2006 à 17:50
Sur l'Histoire, je suis tout à fait d'accord. Les Etats et l'UE ont trop tendance à vouloir imposer des vérités historiques officielles en confiscant le travail de l'historien. En revanche, il serait souhaitable que le dirigeant actuel de la Turquie reconnaisse le génocide des arméniens comme Jacques Chirac a reconnu la participation de la France à la déportation de nombreux juifs pendant l'occupation.
Maintenant, je pense qu'une partie des eurodéputés refusent la Turquie par pure xénophobie.
A l'heure actuelle, le seul obstacle à l'éventuelle entrée de la Turquie dans l'Europe est le respect des droits de l'homme pour les femmes et certaines minorités mais selon les rapports des ONG les avancées en la matière sont notoires.
Peut être alors que justement l'intégration immédiate de la Turquie dans l'UE produira le déclic qui permettra la reconnaissance du génocide des arméniens et une amélioration des droits de l'homme en Turquie encore plus rapide ?
Rédigé par : Diego Melchior | 08 septembre 2006 à 15:19
"Une valse à trois temps qui s'offre encore le temps de s'offrir des détours"... Un pas de plus que les représentants européens font sur le pied de dame Turquie... Il faut vraiment qu'Elle ait envie de danser...
Et puis si on commence à réviser l'histoire des membres et futurs membres de l'Union, le bilan risquerait d'éveiller les rancoeurs et exacerber les contentieux que finalement, chacun des pays a eu avec l'un de ses voisins...
Et puis surtout, comme vous dites, cette reconnaissance de la Turquie n'aurait aucune valeur. Il faut qu'elle vienne de l'intérieur.
Rédigé par : Leïla | 26 septembre 2006 à 21:11