Pourquoi les Néerlandais ont-ils rejeté le Traité européen, il y a un an ? Je relève quelques similitudes entre nos deux consultations. Aux Pays-Bas comme en France, la campagne du Oui a été conduite par un gouvernement impopulaire (si l’on suit les indications fournies par les enquêtes d’opinion). Comme en France, l’élargissement de l’Union et la candidature de la Turquie ont alimenté l’euroscepticisme des électeurs. Selon une enquête d’opinion néerlandaise, plus de la moitié des électeurs du Non (52,3%) citaient la volonté de s’opposer à l’entrée de la Turquie dans l’Union comme l’une des motivations de leur vote[1]. Pour Richard Wouters, chargé des questions européennes au sein du parti de la Gauche Verte : « le ‘non’ néerlandais est intimement lié à un repli général du pays sur lui-même » (cité par Corinne Deloy). C’est pourquoi, comme en France, le camp du Non a rassemblé une coalition hétéroclite et contradictoire, depuis l’extrême gauche, avec le Parti socialiste (SP), jusqu’à l’extrême droite, avec la Liste Pim Fortuyn, le Groupe Geert Wilders et le Leefbaar, en passant par les formations d’inspiration religieuse comme le Parti politique réformé (SGP) et l’Union chrétienne (Christen Unie) qui réclament l’inscription des références au christianisme dans le préambule du Traité. Incompatibles entre eux, les raisons néerlandaises du Non le sont également avec celles du Non français.
C’est aussi ce que montre un autre thème qui a beaucoup compté dans la victoire du Non. L’opinion néerlandaise est particulièrement sensible au fait que le pays est le premier contributeur net par habitant au budget de l’Union. Les adversaires du Traité ont largement utilisé ce thème, demandant aux électeurs néerlandais de refuser désormais de payer pour les grands Etats… tels la France et l’Allemagne ! Ils ont aussi dénoncé ces deux pays qui ne respectent pas les règles du pacte de stabilité… qu’ils imposent pourtant aux Hollandais. René Cuperus, membre de la Fondation Wiardi Beckman, proche du Parti travailliste néerlandais, le PvdA, a proposé ce classement des causes du Non hollandais, par ordre décroissant d’importance : « Les Pays-Bas dépensent trop d’argent pour l’Union européenne ; les Néerlandais perdent le contrôle de leur pays ; les Pays-Bas ont trop peu d’influence en comparaison à d’autres pays ; les Pays-Bas deviennent trop dépendants de l’Union européenne ; l’information circule peu ; la bureaucratie européenne est grandissante ; l’euro a des effets négatifs ; des emplois sont perdus au profit des étrangers ; l’Union européenne présente plus d’inconvénients que d’avantages »[2]. Sous cette forme, la victoire du Non aux Pays-Bas fait davantage écho à la dimension nationaliste et xénophobe du Non français qu’à sa dimension sociale et internationaliste.
En France comme aux Pays-Bas, la gauche du Non ne peut ignorer que le Traité européen a été rejeté dès lors que la revendication sociale a été inscrite dans une logique nationaliste. C’est peu de dire que de telles bases idéologiques et politiques sont incompatibles avec le projet d’une relance de l’Union européenne.
N.B. : Ceci est la dernière note de la série anniversaire «A quoi sert le Non ?». A partir de demain toutes les notes consacrées au bilan du Non seront regroupées dans une rubrique dédiée, alimentée au fil du temps selon les informations que l’on pourra recueillir où les réflexions qui seront suscitées.
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