Une nouvelle gauche allemande est en voie de constitution sous l’autorité d’Oskar Lafontaine, venu appuyer la gauche du Non en France pendant la campagne référendaire sur le traité européen. Oskar Lafontaine est l’ancien président du SPD, Parti social-démocrate allemand. Il a été ministre des Finances dans le gouvernement de Gerhard Schröder, de 1998 à 1999. Lafontaine est peu à peu entré en opposition contre son parti, critiquant les réformes sociales engagées par Schröder et sa majorité parlementaire (SPD-Verts). Oskar Lafontaine a finalement quitté le SPD pour rejoindre le WASG (Wahlalternative Arbeit und Soziale Gerechtigkeit, ou Alternative électorale pour le travail et la justice sociale). Créée en 2004, le WASG rassemble les déçus de la social-démocratie allemande et du syndicalisme de coopération, en un mot, les adversaires de gauche de la social-démocratie. Dans la perspective des élections législatives de septembre 2005, le WASG a conclu une alliance électorale avec le Parti du socialisme démocratique (PDS), émanation de l’ancien Parti communiste de l’ex-Allemagne de l’Est et dont le leader, Gregor Gysi, est issu de la nomenklatura de la RDA. L’alliance WASG-PDS a présenté ses propres listes aux élections législatives du 18 septembre sous le nom de Parti de la gauche (Linkspartei), parvenant à faire élire 54 députés.
Le populisme des thèmes de campagne du Linkspartei est notable. Ainsi, en juin 2005, lors d’une réunion électorale à Chemnitz, dans la Saxe, Oskar Lafontaine déclarait : « L’Etat est dans l’obligation d’empêcher que des pères de famille et des femmes deviennent chômeurs parce que des travailleurs étrangers leur volent des postes de travail avec des bas salaires » (Le Monde du 11 juillet 2005, propos rapportés par Adrien de Tricornot). La forme a fait grand bruit : pour désigner les ‘travailleurs étrangers’, Oskar Lafontaine n’a pas utiliser le terme Gastarbeiter -travailleurs hôtes- habituellement employé en Allemagne, mais celui de Fremdarbeiter -travailleurs étrangers- terme qui a été banni du vocabulaire des partis démocratiques depuis 1945 en raison de son utilisation par les nazis qui qualifiaient ainsi les travailleurs forcés. Ces déclarations ont suscité les condamnations du Conseil central des juifs d’Allemagne, par la voix de son président Paul Spiegel (Bild, 5 juillet 2005) et celle de Gerhard Schröder, alors Chancelier: « Ce qui est particulièrement saisissant, c’est que l’ancien président du SPD collabore non seulement avec le PDS, mais qu’il n’hésite pas non plus à attiser les sentiments racistes » (Le Monde du 11 juillet 2005, id.). Manfred Güllner, le directeur de l’institut de sondage Forsa analysait les propos tenus par Oskar Lafontaine dans une perspective stratégique : « Nous n’avons pas, en Allemagne de l’Ouest, de tradition de parti à gauche de la gauche, compte tenu de l’histoire de l’anticommunisme lié à la séparation de l’Allemagne. Par contre, il y a un potentiel de populisme de droite -qui ne se matérialise pas par un vote d’extrême droite, sauf dans des situations particulières- et que M. Lafontaine tente probablement d’attirer » (Idem). Dans la foulée d’Oskar Lafontaine, Wolfgang Schmitt, le président du WASG pour la circonscription de Trèves, dénoncera à plusieurs reprises le soutien financier de l’Etat allemand à la restauration de synagogues, déclarant notamment : « On ne devrait pas donner autant d’argent aux juifs » (AFP, 15 août 2005).
Et depuis ? Sur sa lancée, l’alliance électorale WASG-PDS a tenté de décider une fusion, le 2 avril 2006, pour donner naissance à un nouveau parti de gauche, qui serait également appelé Linkspartei. La fusion n’est cependant pas encore assurée, en raison d’oppositions au sein de certains Länder. Odile Benyahia-Kouider, dans l'édition du 5 mai 2006 de Libération, nous apprend que l’un de ses dirigeants, Andreas Wagner, membre du bureau national du WASG vient de quitter ce nouveau parti de gauche pour rejoindre le NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands), parti d’extrême droite.
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