Les électeurs monténégrins viennent de choisir par référendum l’accès à l’indépendance pleine et entière, notamment dans l’espoir d’accélérer leur marche vers la candidature à l’Union européenne. Accéder à l’état de nation pour opérer le virage post-national serait l’un des aspects très remarquables de cette décision démocratique (plus de 80% de participation le 21 mai 2006). Je songe au cas de la Tchécoslovaquie, donnant naissance, en 1993, à deux États, la République tchèque et la Slovaquie, qui ont ensuite adhéré ensemble à l’Union, en 2004. Le cas du Monténégro est d’autant plus suggestif que ce petit pays a toujours été confronté, plus ou moins violemment, à des formes de puissance supra-nationales contre lesquelles il devait lutter, avec lesquelles il devait composer ou encore dont il devait accepter la domination : l’empire ottoman, l’empire austro-hongrois, la fédération des slaves du Sud ou « Yougoslavie », née en 1945 et dont il était l’une des six républiques fédérées, la nouvelle république fédérale de Yougoslavie, l’associant encore à la puissante Serbie à partir de 1992, puis son remplacement en 2003 par l’Etat de Serbie-et-Monténégro. Multiethnique – le pays est composé de Monténégrins, Serbes, Bosniaques et Albanais-, multiconfessionnel - les orthodoxes, les musulmans, les catholiques et les "rien du tout" -, le Monténégro (650 000 habitants) vient-il de verser dans l’illusion nationaliste ou bien veut-il presser sa marche vers l’Union ? La suite nous le dira. Mais d’ores et déjà, je constate que l’Union européenne forme un ensemble politique qui, cette fois, lève l’espoir et non la crainte des Monténégrins. C’est aussi une façon de lire notre particularité. Nous ne formons pas un empire. Ne se joignent à nous que les nations qui le souhaitent, et ensuite seulement à condition que nous les acceptions. Leur liberté est première. Notre forme d’organisation post-nationale débouche sur une expansion géographique qui se combine avec la liberté des peuples. Si l’accroissement du nombre des États membres nous pose des problèmes institutionnels et financiers, on ne saurait oublier ce trait politique fondamental qui nous caractérise radicalement.
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